• Interview : Fémi Peters, une auteure engagée et passionnée

    Bonjour Fémi. Même si cela date, merci tout d’abord de m’avoir proposé la lecture de ton livre, Notre-Dame-des-Lettres, et de m’avoir fait confiance. Sans perdre de temps, on va entrer dans le jeu des questions et des réponses.

    Pour commencer, pourrais-tu te présenter en quelques mots, ou en quelques phrases si tu es loquace, et nous donner une idée de qui est Fémi Peters.

    Bonjour Chris ! Je t’en prie, c’était un plaisir pour moi d’avoir ton avis ! Alors, je suis une jeune femme de presque trente-quatre ans. Sinon, que dire ? Peut-être que j’écris pour essayer de savoir qui je suis, justement. Je crois que je suis une femme qui a des valeurs et parmi lesquelles, le respect, la justice et la franchise. Je suis plutôt féministe aussi, sans être extrémiste,  anticapitaliste, voire altermondialiste, même si je ne rejette pas tout de cette société de consommation. J‘oscille dans mes textes entre engagement et rêverie. J’aime la langue française et les belles lettres, me plonger dans un bon roman bien écrit, qui transporte, bouleverse, fait réfléchir. Ça me fait surtout du bien quand j’ai besoin de m’isoler un peu, d’être dans mon monde. J’admire les artistes engagés. D’ailleurs, je rêvais de faire de l’humanitaire étant jeune.

    Ensuite, parlons de ton lien avec l’écriture. Quand as-tu commencé à écrire ?

    Je pense que j’ai commencé à écrire vers l’âge de onze ou douze ans. J’avais créé un petit magazine avec ma mère. Il comportait des nouvelles, des contes. Il s’intitulait L’Encrier. Je mettais quelques poèmes de grands auteurs aussi et des blagues. Ce magazine était à destination de ma famille que j’avais gentiment invitée à s’abonner (rires). J’avais aussi écrit du théâtre au collège. J’avais joué une pièce que j’avais écrite après avoir entraîné quelques camarades. On a joué la pièce en cours d’histoire comme il s’agissait d’une pièce sur le Moyen Âge.

    Si on peut supposer que tu as désiré intégrer un couvent dédié à la littérature au cours de ta jeunesse, as-tu entretenu un lien particulier avec la lecture au cours de ton enfance ? Quelques auteurs t’ont peut-être marqué ?

    Tu as visé dans le mille ! (rires) Oui, j’ai des liens particuliers avec les livres, c’est peu de le dire ! (sourire) Ma mère m’a raconté que je pleurais pour apprendre à lire vers quatre ans, c’est dire ! Mon premier grand choc littéraire a été Victor Hugo. Vers l’âge de douze ou quatorze ans, je ne suis plus sûre exactement, non seulement j’adorais son œuvre mais j’étais admirative de l’homme, son engagement pour l’éducation, contre la peine de mort, pour les femmes, etc. J’avoue ensuite qu’en découvrant sa vie privée, j’ai été déçue d’une certaine incohérence entre l’artiste et l’être humain. Ce n’est que plus tard que j’ai compris que les deux ne sont pas, comment dire, que l’on peut être un bon artiste et un piètre être humain, ou l’inverse, que les choses sont à nuancer, que je est un autre comme disait Rimbaud.

    Ensuite, ma seconde grande découverte littéraire a été Balzac et il est toujours parmi mes auteurs favoris. J’aime son projet littéraire qui n’a pratiquement pas d’équivalent. J’adore particulièrement son style parce que je pense être incapable de décrire comme lui. Il décrit les passions humaines mais il les rattache au contexte social et montre que l’être humain est baigné dans un contexte social, qu’il n’est pas un électron libre et d’ailleurs, les sociologues le considèrent même comme un précurseur.

     

    Au lycée, vers l’âge de dix-sept ans, j’ai découvert Jane Austen. J’aime beaucoup son observation fine et ironique des comportements humains. Je citerai aussi Maugham et Maupassant qui, pour moi, sont des maîtres de la nouvelle. Enfin, pour la pureté de la langue, je citerai Racine.

    Chaque auteur possède une source d’inspiration qui lui est propre. Certains ont besoin d’expier leurs souffrances quand d’autres rêvent de s’évader de notre monde. Quel est ton moteur ?

    Ce n’est certainement pas expier mes souffrances, ça c’est sûr ! (rires) Mon moteur, c’est que les gens prennent autant de plaisir à lire que j’en ai moi-même, c’est divertir, faire rêver, mais aussi avertir les gens des dangers et dérives de notre société. C’est aussi simplement le plaisir d’écrire, quand d’un coup, j’ai une idée et que je me dis que ça ferait une super histoire.

    Je sais que tu as écrit au moins deux nouvelles, que j’ai lues d’ailleurs. Chacun de tes ouvrages se différencie nettement des autres par son univers. As-tu un genre de prédilection ou aimes-tu changer de cadre selon tes humeurs ou le message que tu souhaites véhiculer ?

    Euh non, je n’ai pas de genre de prédilection. Il me semble que la science-fiction se prête mieux à dénoncer la société, même si on peut très bien le faire dans le cadre de la littérature blanche, comme on dit, générale. C’est vrai que quand j’ai envie de faire rire, j’irai plus facilement vers le théâtre, et pour exprimer quelque chose de plus personnel, la poésie. Et quand j’ai envie de raconter l’histoire d’un personnage, comme le cas de Willy dans Notre-Dame-des-Lettres, cela me semblait plus adéquat de me tourner vers le roman, même si ce texte a été aussi le prétexte pour moi de dénoncer le fanatisme. Pour les nouvelles, c’est plus pour dénoncer quelque chose.

    Notre-Dame-des-Lettres est clairement un hommage à la littérature. On note beaucoup de similitudes avec la vie de monastère. D’où t’est venue cette idée ?

    C’est sans doute parce que j’étais très croyante lorsque j’étais jeune, de confession catholique. Même si depuis, je ne crois plus, les rituels et les prières me sont restés en mémoire. Lorsque j’imaginais Willy retiré, se consacrant à la littérature,  c’est tout naturellement que l’idée de monastère m’est venue. Le parallèle entre la vie monastique et le couvent de Notre-Dame-des-Lettres m’amusait et me permettait de dénoncer le fanatisme qui, je dois le dire, me fait assez peur, et ce bien avant la montée du terrorisme. C’est le fanatisme, quelque soit le sujet, qui m’effraie, même pour une cause juste, et peut-être aussi parce que, d’une certaine manière, je suis une fanatique littéraire ! (rires) Oui, vous l’aurez compris, Willy, c’est un peu moi, même si ce n’était pas le but recherché !

    On a parfois échangé furtivement en tant qu’auteurs. Tu m’avais parlé de quelques-uns de tes projets. Où en es-tu ?

    Je crois que je t’avais dit que j’écrivais des poèmes et depuis nos échanges, j’ai terminé un recueil. Trois d’entre eux ont été publiés dans une revue littéraire, Traversées (numéro 85 de la revue). L’un porte sur Brest, la ville où j’ai vécu trois ans. J’ai voulu écrire sur Brest car c’est une période marquante de ma vie au niveau personnel et du coup, ce sont plutôt des bons souvenirs. Le deuxième porte sur l’arbre que je peux voir depuis mon balcon. J’ai voulu écrire à ce sujet car je suis sensible à la nature, j’adore voir cet arbre majestueux, triomphant. Ça peut paraître bête à dire mais cela me rassure. Il représente le symbole de la vie pour moi. Le dernier est plus triste. Il parle de la vie qui passe, quand on n’en fait rien, quand on renonce à ses rêves, c’est un peu mon angoisse.

    Je suis aussi toujours en train d’écrire deux romans, l’un de fantasy et l’autre de science-fiction.

     

    Avec des amis écrivains, on est en train de mettre la dernière main à un projet de recueil de nouvelles, Sur le fil, qui sera publié en auto-édition et gratuitement.

    Je n’ai pas pris le temps de vérifier pour chacun de tes livres mais si je ne me trompe pas, tu as pris le choix de publier toi-même tes livres, excepté pour Carte non valide, une de tes brillantes nouvelles qui a été publiée par L’ivre Book. Y a-t-il une raison particulière ? Comptes-tu retenter le choix de l’auto-édition à l’avenir ?

    Non, la première fois que j’ai été auto-éditée, c’est simplement parce que j’avais gagné un concours. Il s’agissait d’un concours de blogueurs  en partenariat  avec Books on Demand, chacun choisissait parmi divers résumés de textes et le finaliste gagnait une publication gratuite de son œuvre. BOD fait de l’impression à la demande.

    Il est fort possible que je retente le choix de l’auto-édition mais je ne ferme pas la porte à l’édition classique pour autant. Beaucoup d’auteurs sont hybrides : certains de leurs textes sont publiés par des maisons d’édition classiques, traditionnelles et d’autres en auto-édition. Il est très dur de toute façon de se faire connaître dans le monde littéraire, même dans l’édition indépendante.

    Ressens-tu une émotion particulière lorsque quelqu’un lit un de tes livres ou lorsque tu découvres une chronique ?

    Oh oui ! Je ressens beaucoup de joie car, globalement, les gens ont aimé mon roman (à part deux personnes) et j’ai reçu peu de critiques négatives mais j’ai aussi un peu d’appréhension au début de la lecture car je me demande si le lecteur aura apprécié.

    Le problème est que très vite, je retombe vite dans le doute et l’inquiétude concernant la valeur de ce que j’écris. Les commentaires ne réussissent qu’à m’apporter une joie éphémère mais je pense que c’est le cas de beaucoup d’artistes.

    As-tu un lecteur privilégié dans ton entourage ?

    Oui, ma femme mais je n’appellerai pas cela privilégié, la pauvre ! Car elle subit toutes mes humeurs. (rires) Je lui parle en général de l’idée qui vient de jaillir dans mon esprit, puis je lui fais part des problèmes rencontrés mais je refuse catégoriquement qu’elle lise les premiers jets. Elle est ensuite invitée à lire et à me donner son avis qui a intérêt à être enthousiaste ! (rires)

    Si tu étais un livre, ou un personnage de roman, qui serais-tu Fémi Peters ?

    Je serai le Père Goriot, enfin le livre, sûrement pas le personnage! (rires) Car je n’ai pas l’intention de mourir le cœur brisé par mes propres enfants. Heureusement, je n’en ai pas! (rires) Sinon comme personnage, je serai Élisabeth dans Orgueil et Préjugés pour son humour et sa légèreté ou Jane Eyre dans l’œuvre éponyme pour sa force de caractère.

     

    Dans le premier cas, c’est parce que je me reconnais dans Élisabeth. J’aime rire et même si aujourd’hui je suis moins légère qu’avant, elle me fait beaucoup penser à moi, aujourd’hui mais surtout quand j’étais adolescente.

    Dans le second cas, j’admire Jane Eyre. Elle est consciente de ses faiblesses, pauvreté et laideur, mais elle estime que chaque être humain mérite le même traitement et que tout le monde a droit au bonheur. Elle est également directe, voire insolente (rires) et cela m’amuse ! Même quand elle tombe amoureuse de M. Rochester, elle refuse que l’amour l’absorbe. Elle insiste sur le fait qu’elle est un être humain et qu’elle a des pensées, des sentiments qui doivent être respectés.

    Je me retrouve aussi beaucoup dans Jo dans Les quatre filles du Dr March parce qu’elle rêve d’écrire, qu’elle a un côté garçon manqué, elle fait ce qu’elle veut, a de la volonté, elle est assez peu comprise des autres.

    L’écriture est-elle ton activité principale ? Exerces-tu une profession ou d’autres passions ?

    Mon rêve, ça aurait été de vivre de l’écriture. Je n’y crois plus vraiment, même si cela reste un espoir comme dans la boîte de Pandore.

    J’ai été animatrice socioculturelle auprès des enfants pendant longtemps, ce qui me permettait de pouvoir proposer des activités culturelles telles que les contes et le théâtre.

    J’ai repris depuis peu des études de droit. Discipline qui m’attire à cause des valeurs de justice et de respect des droits. J’aime aussi la rigueur et le sens de l’analyse que demande cette discipline. Sinon il m’arrive de faire des interventions artistiques de temps en temps dans les écoles ou les médiathèques.

    Être auteur ou écrivain est un métier particulier, comment cela se passe-t-il avec ton entourage ? Il te soutient ?

    Joker à cette question ! (rires) Je n’ai pas envie de me fâcher avec ma famille. Non, sinon sérieusement, ils me soutiennent, même s’ils ont peur pour moi par rapport à la vie précaire que je mène. C’est surtout un soutien moral, même si ma petite sœur a acheté toutes mes œuvres et me donne parfois son avis.

     

    Ma femme me lit, me corrige, illustre certains de mes textes. D’une certaine manière, ma femme me soutient financièrement puisqu’elle travaille davantage que moi. Le travail à temps partiel me permet du coup de continuer à écrire.

    Il m’arrive parfois de demander l’avis de ma mère. Ma mère essaie de me donner des pistes (concours, articles donnant des conseils pour écrire, etc.) mais  malheureusement, il est rare que je n’ai pas déjà les informations. J’avais fait également lire certains de mes textes à mon père que je fais rire.

    Enfin, je te laisse le mot de la fin. Tu as carte blanche.

     

    J’ai beaucoup aimé répondre à ton interview, même si je n’aime pas tellement me dévoiler. L’écriture étant un travail solitaire, ça fait plaisir de pouvoir échanger avec un confrère. Je te remercie beaucoup !

    Le site de Fémi Peters

    La page Facebook de Fémi


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  • Commentaires

    1
    Samedi 7 Avril 2018 à 22:06

    Super interview... Merci à tous les deux... Je pense que je vais me lancer dans la recherche puis la lecture de " Notre dame des lettres"...

    Bonne soirée à vous! wink2

      • Dimanche 8 Avril 2018 à 09:07

        Merci beaucoup pour votre commentaire, j'espère que vous apprécierez le livre de Fémi Peters :)

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